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Le Moulin de Coët Ruel

A Marie France

Je ferme les yeux et je me rappelle

Qu'au plus chaud de l'été,

Comme un rituel,

Entre mon père et ma mère,

Je ne laissais pas passer d'année

Sans me rendre à Coët Ruel.

Je ferme les yeux et je me rappelle,

D'une grand-mère qui paraissait sans âge,

D'un oncle, fort, pas rasé, bourru,

Mais tendre et malicieux dans l'âme,

Qui, lorsque nous arrivions, souvent,

Travaillait aux champs,

Et qu'à ses côtés, mon père, dans l'instant suivant,

Pour lui montrer qu'il n'avait rien perdu

De ses habitudes et son allant d'antan,

Retrouvait avec le plus grand bonheur,

Au creux du sillon, son âme.

C'était le temps des balades champêtres

Des marguerites et des boutons d'or,

Dans la luzerne et les pâturages,

Entre la moisson et le battage,

L'odeur des foins coupés,

Des pommes broyées, pressées, rouillées.

Le temps des chiens qu'on appelait Médor,

Que la route n'était qu'un chemin,

Et que deux roues, il y avait encore au moulin.

Je ferme les yeux et je me rappelle

De Tante, et son café au lait

Qui retenait ma mère.

Des confidences qu'elles se faisaient

Pendant des heures, en l'absence des hommes.

Lesquelles ne nous importaient pas, en somme.

Je ferme les yeux et je me rappelle

De ma Marie France,

Son plaisir qu'elle avait de me voir arriver

Rapidement effaçait sa timidité.

Elle était dans mes coups,

Me suivait comme une ombre

A travers, blés, prés,

N'hésitant pas à grimper sur les paillers,

Escaladant talus, murs,

Cueillant noisettes et mûres

S’accrochant à mes pas, m’accompagnant partout,

Visitant veaux, cochons, lapins effarouchés,

Sans oublier l’exploration du moulin et des granges,

Fouillant les nids des haies,

Croquant les châtaignes… crues, les pommes… vertes,

Les poires « Keroyo », acides et sures,

Et les prunelles qui assèchent la bouche.

Je revois la rivière où l’on pêchait les loches,

Et me souviens des bonds par-dessus son cours,

Là où les rives étaient les plus proches,

Et souvent trempés, quand on sautait trop court.

Heureux temps de l’enfance insouciante des dangers

Et par je sais quel miracle, épargnés.

Je me souviens du cidre qui généreusement par nos soins,

Enfants que nous étions, les jours de battage

Désaltérait les hommes,

Et les craintes de grand-mère qui précisait…

« Leur donner à boire, oui… mais pas les saouler ! »

Je me souviens du jour du cochon, du pâté relevé,

Du boudin préparé par Tante et Mémé,

Des saucisses qu’on pendait dans la cheminée,

Et du saloir remisé sous l’escalier.

Je me souviens des anguilles à la poêle sautées

Des oignons crus sur le pain beurré,

Et des sardines grillées…

… Tous ces souvenirs qui surgissent

Me serrent le cœur et m’assombrissent

Il pleurait sur Coët Ruel hier…

25 mars 2001

Le Moulin de Coët Ruel
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