top of page

Une idée en passant...

 

Réflexions suite à un article de Caroline Fourest sur les prochaines présidentielles.
Ce que j’ai compris et ce que j’en ai déduis :
Pour résumer, il nous faudrait retenir pour la prochaine élection présidentielle un candidat qui ait toujours fait preuve de cohérence dans le passé, qui ait fait preuve d’abnégation à défendre ses idées au détriment de ses propres intérêts ou de la satisfaction d’un égo, qui soit clair dans ses sentiments et ses convictions au risque d’être en désaccord avec ceux qui le soutiennent, autant dire aucun des candidats qui se présentent aujourd’hui.
Car si l’on regarde objectivement tous leurs programmes, l’un souhaite distribuer des cadeaux à ceux qui le soutiennent à commencer par supprimer l’ISF et les charges sociales sans omettre de préciser qu’il veut virer une bonne partie des fonctionnaires sans se douter une seule seconde qu’il va mettre à mal tout ce qui a été sauvegardé jusqu’ici, c’est-à-dire tout ce qui concerne la défense des Français… en d’autres termes : éducation, sécurité, santé… etc. bref, tout le service public trop onéreux et non rentable à ses yeux, un autre à l’image du Christ rédempteur du Corcovado dans ses prestations médiatiques, souhaite faire une révolution de palais en ne roulant que pour lui-même, et tous ces autres à la suite, arque-boutés contre « un système » qui les a fait naître et dont la tête a enflé démesurément à l’occasion d’un passage dans un ministère, seul gage de remerciement et de renvoi d’ascenseur pour avoir soutenu celui qui a finalement été élu, et qui nous jurent la main sur le coeur qu’ils feront mieux que ce qu’ils n’ont pas réussir à faire alors même qu’ils étaient en poste.
Sans évoquer d’autres encore qui ne roulent que pour eux-mêmes, qui n’attendent et n’espèrent qu’une chose, que se délite la société française pour tout bouleverser, détruire et privilégier certains au détriment d’autres, tout en foulant aux pieds ce qui nous distingue des animaux.
Au regard de ce qui précède et ce qui nous est promis dans un avenir tout proche, pourquoi après tout changer ?
On a en ce moment quelqu’un qui fait la preuve qu’il n’est nullement intéressé par la fonction qui l’occupe et dans laquelle il continue malgré tout à œuvrer pour la tâche qui lui incombe, indifférent aux critiques, conspuassions et anathèmes d’où qu’ils viennent. Quelqu’un qui contre toute attente remonte dans les sondages alors même qu’il ne se représente pas. Quelqu’un, comme on dit, au-dessus des partis, qui ne prétend pas être le plus fort, le plus couillu, quelqu’un qui a fait de nombreuses fois la preuve de son humilité sans pour autant tout accepter.
On sait seulement ce qu’on risque de perdre…
Personnellement, je n’ai rien d’une Pythie mais je verrais bien une réélection se profiler…

​

​

​

​

Bien ou mal

​

 

Le bien avec les armes du mal

Le bien et le mal sont des notions subjectives indissociables. L’une ne va pas sans l’autre. On peut justifier le mal à cause du bien qu’on se destine à apporter et l’utiliser pour parvenir à des fins comme d’engager une guerre contre ce qu’on considère comme étant le mal, et donc justifier un engagement qu’on estime bien pour apporter une solution contre ce qu’on considère comme étant le mal.

Mais l’engagement dans une guerre pour défendre un bien peut revêtir à terme comme d’une disposition à faire le mal.

Preuve en est que parfois on justifie le mal par le bien qu’on entend défendre, et obtenir le bien en utilisant le mal pour y parvenir.

Ce qu’il faut retenir et qui est révélateur, c’est qu’on justifie le mal qu’on perpétue par le bien qu’on est en droit d’espérer, ce qui fait qu’on réalise souvent que le mal exercé était justifié du fait qu’à terme on est parvenu au résultat espéré alors que tout nous condamne si l’on n’y est pas parvenu. Ce qui fait dire que les vainqueurs ont toujours raison.   

Ce qui est aussi révélateur c’est qu’on justifie le mal pour une cause qui nous dépasse et dont nous n’assumons aucune responsabilité comme ces guerres ou ces génocides qu’on nie pour s’éviter une culpabilité trop prégnante et qu’on rejette. Adolf Eichmann n’était qu’un fonctionnaire aux ordres, Klaus Barbie un soldat. Un assassin a toujours une justification, voire une excuse et quand il n’en a pas, et surtout quand il prend conscience du mal qu’il a lui-même perpétré au point de se juger lui-même, il va jusqu’à nier toute exaction, toute responsabilité, entre ensuite en aphasie, s’empêche de vivre… ou se suicide.

Lire à cet effet le dialogue aux enfers de Maurice Joly qui met en scène Machiavel et Montesquieu l’un défendant l’Injustice l’autre le droit et la liberté.

Donner du pouvoir à un être fragilisé ou à un individu sans réelle conscience, sans esprit critique et il sera intraitable pour ceux dont il aura la charge et les puissants savent comment tenir le peuple en asservissement en les manœuvrant.

Faire prendre conscience à un tel individu et lui reconnaître qu’il est essentiel, et ce quelle que soit sa charge suffira à le gonfler d’orgueil. L’armée, la police, ne font pas autrement pour utiliser à leurs propres fins des hommes qui ne soupçonnent pas un seul instant qu’on les utilise.

Les tenants d’une quelconque cause ne pratiquent pas autrement pour attirer à eux djihadistes, révolutionnaires ou terroristes. Ceci étant que je ne confonds pas les uns cités plus haut des autres cités ici ! 

Camus dans "Les justes" a décrit la manipulation exercée sur un groupe d’individus dans les années 1905 en Russie par une cause qui pourrait sembler juste au prime abord pour nombre d’entre nous. Il met en scène la préparation d’un acte terroriste dans lequel les participants aspirent à mourir en martyrs "Mourir pour l’idée, c’est la seule façon d’être à la hauteur de l’idée" et "Rien n’est défendu de ce qui peut servir la Cause"... même la mort d’enfants innocents ! 

Les djihadistes aujourd’hui ne font pas autre chose. Ils n’en n’ont même pas conscience.

​

​

​

Introspection 

​

​

Tout récemment, il m’a été demandé de formuler une question et d’y répondre :

            Comment vivez-vous votre cancer ?

            Contraint et forcé… comme pour toutes les épreuves que nous prodigue la vie. Tous ces aléas permanents auxquels on est confronté et qui nous empêchent de vivre sans soucis, sans préoccupations autres que celles de prendre du plaisir.

            Et les épreuves commencent avant même notre conception quand plus d’un demi-milliard de spermatozoïdes tentent de pénétrer un ovule lors d’une fécondation, ce qui est loin d’être gagné d’avance…

            Quand nous ne sommes pas certains de naître, quand nous n’avons aucun choix pour notre sexe, notre couleur de peau, quand notre santé peut à tout moment décliner, la maladie ou le handicap nous atteindre… sans autre choix que de faire face, nous combattons la maladie, nous nous adaptons au handicap, nous trouvons des compensations pour oublier ce que nous vivons au quotidien, nous comblons nos insuffisances, nous pallions nos gênes, nos troubles qui nous empêchent de vivre comme tout un chacun. Nous affrontons sans crainte, parce que nous n’avons pas le choix, les difficultés de tous les jours en regardant ailleurs, vivant en décalage permanent, envisageant des solutions et en empruntant des chemins imprévus dont nous n’aurions jamais eu l’idée avant que nous arrivent la maladie et le handicap.

            Et curieusement, à mesure d’affronter ce combat qui nous paraissait impossible, voire impensable à mener au moment où nous avons été mis en face de l’annonce d’un cancer, nous avons trouvé des ressources que nous n’aurions jamais soupçonnées.

            En ce qui me concerne je pratiquais le marathon avant l’annonce de mon premier cancer en 1986 et cette épreuve représentait pour moi comme un entrainement à ce que j’allais devoir affronter parce qu’effectivement quand vous prenez le départ d’un marathon, vous n’êtes pas certain de le terminer, déjà qu’après 10 km il vous en reste 30, après 20 il vous en reste encore 20, et ainsi de suite, le tout ponctué de passages à vide, de moments où crampes et ampoules vous assaillent et gênent votre progression jusqu’à la ligne d’arrivée comme l’est le combat contre le cancer qui mène sinon à la guérison au moins à la rémission.

            Si j’évoque le marathon, c’est parce qu’il représente pour moi comme une philosophie, comme un combat contre l’adversité, un combat contre soi-même, ses déficiences, son laisser-aller comme ceux qui se lancent dans la conquête d’un sommet, parcourent des chemins improbables, comme ceux de Stevenson dans les Cévennes aux pèlerinages de Compostelle, comme ces autres qui partent au bout du monde, qui se lancent des défis invraisemblables comme la traversée de déserts à vélo ou des océans en kayak.

            Comme j’ai une respiration difficile il me fallait un autre objectif que le marathon, un autre dépassement de soi. Je parlais normalement, maintenant je chuchote et j’écris.

            Puis, je me suis lancé d’autres défis : la création de deux sociétés, une exposition de mes œuvres dans une galerie du 8ème, l’écriture de deux livres, la préparation de deux autres et la naissance d’un quatrième fils !

​

​

Frère inconnu 

​

- Soixante-dix années se sont écoulées, moi, qui n’ai pas eu de vie, qu’as-tu fait de la tienne ? Es-tu heureux au moins ?

            - On peut le dire, oui ! Je n’ai appris ta non-existence qu’à ma quatorzième année et j’avoue avoir été surpris en le découvrant au cours d’une dispute entre nos parents, vite réprimée par notre tante. (Nous savons tous que les enfants ne ratent rien des dissimulations des parents. Ils sont même à l'écoute des silences et les non-dits sont plus évocateurs que les paroles)

            Et pour te répondre le plus honnêtement possible, je dois te dire que j’ai vécu en solitaire jusqu’à mes vingt ans, nos parents étant souvent absents de la maison sans cependant manquer de soutien… Que j’ai alterné les gardes multiples, des années de pensionnat et que j’ai fait l’apprentissage de la solitude en nourrissant mon imagination par des lectures et des jeux où la réflexion dominait comme les mécanos et les casse-tête… Que j’ai souvent fait des allers-retours entre la Bretagne et Paris pour accompagner notre mère auprès de nos grands-parents âgés, ce qui m’amenait à souvent changer d’école.

            Et même après cette révélation, j’avoue ne pas m'être trop posé de questions… pour épargner probablement notre mère.

            Et je ne m’en pose d’ailleurs pas davantage aujourd’hui, si ce n’est qu’à ce moment-même au sein d’un atelier d’écriture de la rue des Cascades où vient d’être donné un sujet portant sur notre enfance et comment nous l’avons vécue, comme une introspection personnelle à rebours avec la consigne de faire intervenir une personne existante ou non, réelle ou fictive, comme un témoin qui pose une question à laquelle nous devons répondre.

            Alors, à bien y réfléchir et puisque tu n’as jamais eu la parole, curieusement j’ai pensé à toi.  

            - Oui, et alors, ça te fait quoi ?

            - Me dire que ma vie aurait pu être tout autre car un frère m’aurait évité la recherche de copains, d’amis, d’alter ego… un frère aurait pu me servir de confident, de soutien, nous aurions vraisemblablement connu les mêmes écoles, les mêmes gardes multiples, les mêmes pensionnats… nous aurions dispensé nos conseils l’un pour l’autre en écartant les avis des parents, échangé nos ressentis, partagé nos peines et nos chagrins, connu nos premières expériences et nous nous serions aidés mutuellement pour les surpasser… nous nous serions amusés, jalousés, chamaillés, peut-être battus… comme ce qu’ont vécu tes quatre neveux...  Quatre neveux que tu n’as jamais pu connaître…  

​

​

​

Je me souviens…

​

            Oui, je me souviens de l’embarras, entre hésitation et atermoiement, que j’éprouvais auprès de cette toute jeune fille à chaque fois que je me présentais à elle au sein de cette société située à Gagny où venait d’être changée la totalité de l’installation téléphonique.

            Elle était à l’accueil, au standard, et elle me recevait toujours avec un sourire qui m’irradiait.

            Je sentais bien qu’elle avait du plaisir à me voir, et ressentir son bien-être me mettait en joie. Cependant je ne laissais rien paraître. Je m’empêchais toute avance qui eût pu laisser deviner mon intérêt pour elle. Je ne manifestais aucun sentiment ambigu qui eut pu paraître pour une inclination de ma part et je m’évitais d’éprouver convoitise et désir envers elle.

            Néanmoins, la voir à chacune de mes interventions suffisait à mon bonheur.

            Je ne m’avançais pas. Je laissais les événements décider pour moi mais je l’avais en tête en permanence, et la retrouver toujours présente au standard me réconfortait de toutes les turpitudes que me causait l’installation téléphonique que je venais de mettre en service. La voir et échanger avec elle me consolait de tous les tracas que je vivais : ces pannes à répétition qui se produisaient de façon intempestive.

            J’avais déjà remplacé toutes les cartes, ensembles et sous-ensembles, réseaux et postes, l’unité centrale, de l’alimentation jusqu’au fond de panier. Pas une fois je ne constatais le problème et j’avais même convoqué France Télécom afin qu’ils vérifient également les équipements au central.

            Rien n’y fit, les pannes recommençaient et je n’y comprenais rien.    

            A force de me présenter à elle, mes visites prirent un autre sens, une autre tournure. Les mois passèrent, les saisons aussi... Nous nous vîmes ailleurs, d’abord au café d’à-côté, puis plus loin pour éviter les histoires, les qu’en dira-t-on et ménager susceptibilités et suspicions. Nos rencontres s’effectuaient en toute bienséance et les rapports que nous entretenions relevaient d’une extrême courtoisie. 

            J’appris qu’elle avait vingt ans. J’en avais trente-cinq et j’étais marié. Toute communication entre nous, nous était donc impossible et continuer à nous voir relevait d’une forfaiture.

            Je ne m’autorisais pas à aller plus loin. Je le lui ai dit.

            Quelque temps plus tard, elle m’apprit qu’elle allait quitter son poste, que sa décision était déjà prise et elle avait même un nouvel engagement.

            Je ne pouvais l’accepter sans réagir. Je lui demandais où elle partait… et pour avoir la certitude de la revoir, je me déclarais...

            … Peu de temps après, alors que nous vivions déjà ensemble, elle m’apprenait que c’était elle qui provoquait les pannes… pour me voir.

​

​

​

Résolution 

​

 

​

            Je n’ai plus aujourd’hui le souvenir de mon arrivée à l’hôpital Robert Ballanger, et je ne sais plus si c’était dans la matinée ou dans l’après-midi du lundi 11 aout 1986. Je sais seulement que c’était trois jours après ce fameux jour où l’on m’avait annoncé qu’un cancer se développait en moi au plus profond de ma gorge.

            Je me rappelle qu’après l’avoir raccompagnée à la sortie du service, je quittais Grazia et remontais dans la chambre qui m’avait été assignée par les infirmières. Une chambre au quatrième étage d’un bâtiment flambant neuf que j’allais devoir occuper pour la première séance d’une chimiothérapie qui allait durer plus de quatre jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

            Je me retrouvais seul au milieu de cette chambre les bras ballants ne sachant que faire de mes dix doigts.

            Je me rappelle encore mes premières impressions et n’ignorais plus que mon espérance de vie était désormais comptée. Avant cette mémorable annonce, devrais-je dire ce verdict, comme tout individu, je n’en avais nulle conscience, sans estimation précise de la durée d’une vie. 

            Oui, j’étais désormais seul. Tout mon passé défilait dans ma tête, me revenait tout le déroulé de mon existence. Je me remémorais mon père et mon parrain emportés par cette même maladie.

            Je me rappelais mon parrain quand nous l’accompagnions mon père et moi de Quistinic, du côté de Lorient à Septeuil, non loin de Mantes-La-Jolie, courir de guérisseurs à magnétiseurs, rebouteux ou charlatans, patienter des heures dans une file d’attente qu’on veuille bien nous recevoir, et multiplier visites et consultations de toutes sortes.

            Je les avais vus tous les deux, intubés, drainés, trachéotomisés, décharnés… rendus à l’état de squelettes incapables de se déplacer seuls, dans l’impossibilité de bouger, de se mouvoir… je me souvenais avoir porté mon père de son fauteuil à son lit et ressentais cette impression diffuse particulièrement dérangeante pour un fils aimant… et pensais : « un fils ne devrait pas avoir à porter son père, c’est contre nature. »

            Oui, j’avais assisté à sa souffrance pendant plus de neuf mois, en vain, et versé des larmes sur tout le trajet seul au volant d’une voiture qui me ramenait sur Paris après l’avoir quitté, obligé que j’étais de reprendre le travail.

            Quand d’autres relations de famille, de travail, de connaissances ayant contracté le cancer avaient également disparu. Personne jusqu’alors n’avait survécu au crabe. Je savais que l’issue était fatale… je l’avais lu dans un livre que j’avais acheté alors que je n’avais pas atteint ma dix-septième année… un livre rose avec en couverture une photo d’une cellule cancéreuse évolutive.   

            A cette époque, j’ignorais encore à quoi je me destinais professionnellement. Ma mère me voyait dentiste, et moi plutôt médecin… oui, j’étais passionné par l’anatomie… ou encore biologiste, découvreur de virus ou autres bactéries. Il n’en avait rien été. Je n’étais devenu que dépanneur en téléphone. Une façon comme une autre de réparer ce qui ne marche pas correctement… en quelque sorte un redresseur de torts.

            Oui, je me retrouvais seul dans cette chambre dans l’attente des premiers examens avant la pose d’un cathéter sous une clavicule qui allait me délivrer dans une veine cave menant au cœur des drogues vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant quatre jours. Que devais-je faire ? Que me restait-il à entreprendre ? J’étais désemparé. A mon tour, j’étais atteint par un cancer. Mon père était parti depuis onze années et j’allais devoir affronter les mêmes épreuves : un calvaire de combien de station jusqu’à son terme accompagné par une angoisse lancinante, une souffrance permanente et très certainement la décrépitude avant l’inéluctable.

            Souffrir pendant neuf mois, pour une échéance fatale m’était impossible à envisager.

            Tout tournait dans ma tête. J’avais trois enfants, un de dix-huit ans et deux de douze, une adorable nouvelle compagne, et c’était tout ce qui me rattachait à la vie. Je venais de démissionner le mois précédent pour un nouvel emploi plus rémunérateur et surtout plus glorifiant auquel j’allais devoir renoncer vu ce qui m’arrivait. Et je ne savais pas encore ce qui allait advenir de moi avec ce traitement et ce qui allait en résulter.

            Mon regard se porta vers la baie vitrée et je restais un moment à observer le ciel. Des nuages s’amoncelaient au loin, menaçants. Je me sentis soudain seul, seul à décider de ce qui serait ou pas, seul à décider de mon avenir. J’ouvris la fenêtre et j’appréciais la hauteur de l’immeuble qui me fascinait. Je considérais le sol, bituminé… ou mieux encore, bétonné.

            J’hésitais, restais un instant dans l’expectative. Encore une seconde, peut-être deux, et tout serait fini… « Adieu, l’angoisse qui m’étreignait à cet instant, les souffrances inévitables à venir, le handicap et la décrépitude. J’étais déjà au-delà de ce qu’il était possible de juger. »

            Mais pourquoi tout aussi soudainement ai-je refermé la fenêtre ? 

            Je n’en avais sur l’instant aucune idée. Peut-être à cause d’une seconde nature, recadrant mes objectifs comme j’en avais pris l’habitude, ayant toujours été dressé à faire face.

            C’était devenu au fil du temps un conditionnement chez moi… je m’attendais toujours au pire, ainsi tout ce qui pouvait m’arriver devenait relativement moindre de ce que je prévoyais. Une habitude qui m’était venue au cours de plusieurs années d’expérience.

            Au début de ma vie professionnelle, quand j’imaginais qu’un dépannage sur un autocommutateur s’avérait aisé, je rencontrais toujours des difficultés et je passais plusieurs heures pour le résoudre alors que, quand je m’attendais à de gros problèmes, il m’était extrêmement aisé de les résoudre en très peu de temps.

            Et peu à peu, les années aidant, je me jouais des difficultés et prenais du plaisir à franchir les obstacles et, me conditionnant toujours dans l’attente du pire, rien de ce qui pouvait m’arriver se révélait une surprise.

            Je m’attendais donc désormais à tout, et je m’entends encore aujourd’hui proférer une phrase que je lançais à travers la chambre comme une résolution définitive :

            « Même si je dois ramper, je continuerai d’avancer »

​

Peut-être ai-je très certainement bénéficié du regard souriant d’enfants sans bras et sans jambes rampant dans un couloir d’une institution de Gonesse où je me rendais pour dépanner quelques années auparavant… Je leur en suis aujourd’hui reconnaissant.

bottom of page