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"Ah, les cons !!!"

 

 

Avant de vous narrer ce qui m’est arrivé dans les années 70 dans une clinique située dans le Val Oise, il est nécessaire que je précise d’une part la topographie de l’endroit et d’autre part la façon qu’a le personnel de la clinique pour transporter les morts vers la morgue située dans une des dépendances de la propriété. J’ignore si c’est encore le cas de nos jours.

La clinique se trouvait et se trouve très vraisemblablement encore située dans le haut d’un grand parc. De la rue, on découvre un ensemble de deux bâtiments, un ancien, auquel est accolée une construction plus récente et plus imposante, le tout sur 3 étages, et sur la droite se trouvent plusieurs autres dépendances le long d'un mur d’enceinte.

A cette époque la morgue était située dans une de ces dépendances et quand les cas malheureusement se présentaient, il était nécessaire d’acheminer les corps vers cette morgue et le problème résidait dans le fait qu’il n’existait pas d’accès par les sous-sols. L’on se devait alors de passer par l’extérieur avec le corps, et ce, juste devant l’entrée principale de la clinique.

Or, il eut été mal venu qu’un visiteur tombât sur ce genre de transport. En conséquence de quoi, les préposés à cet office utilisaient un chariot brancard à roulettes sur lequel s’allongeait un infirmier s’employant à paraître le plus remuant possible pour donner l’illusion aux visiteurs rencontrés qu’on véhiculait un malade, et juste en dessous de l’infirmier bien vivant, se trouvait dissimulé un caisson de forme parallélépipédique de même dimension que le chariot conçu de façon à recevoir le mort.

Le convoi ainsi constitué, personne ne se doutait de rien.

Quand le brancard n’était pas utilisé, il se trouvait habituellement relégué au deuxième sous-sol avec le matériel obsolète de la clinique, lits et matelas d’appoint ainsi que le matériel médical en attente de réparation, le tout sur une immense surface nullement cloisonnée représentant la superficie de la clinique.

Etant très souvent à la clinique pour les dépannages fréquents du téléphone, de la signalisation et la surveillance des malades, mais aussi pour des alarmes diverses et variées, j’avais connaissance de l’utilisation de ce stratagème pour exécuter cette délicate opération et quand il m’arrivait de découvrir cet objet, je l’observais toujours d’un œil torve car il revêtait pour moi un certain effroi.

Or, un jour alors que je me trouvais à la clinique pour dépanner, je dus descendre au 2ème sous-sol dans le local où se trouvait l’autocommutateur (pour les puristes une 7 E CGCT avec meuble BC, le chargeur, les batteries et le répartiteur). Dans les années 70 il fallait bien un local de plus de 15 mètres carrés pour recevoir le tout.  

Quelle ne fut pas ma surprise après avoir ouvert la porte et allumé la lumière de découvrir le fameux chariot brancard, là, juste devant moi dans le local réservé à l’installation téléphonique.

Excédé, à la limite de l’écœurement, pensant en moi-même qu’ils auraient pu le mettre ailleurs, je me décidais de saisir le chariot pour le sortir quand je remarquais au vu les efforts que je consentais que le caisson était occupé.

Imaginez mon trouble. Sans aller jusqu’à paniquer, je lâchais l’affaire et me retournais, bien décidé à me plaindre en haut lieu.

A ce moment précis, le couvercle du caisson s’ouvrit et les rires fusèrent de tout côté de derrière les piliers de soutènement de la clinique.

Fort heureusement, je ne suis pas cardiaque !

 

 

 

 

 

 

Restons-en là !

 

 

 

L'avenue de Paris, principale artère de Villeneuve, était connue pour être la plus importante concentration de commerces de l’est parisien. On y trouvait de tout : des magasins d'alimentation mêlant profusion et qualité des produits, des bazars vendant des vêtements, des chaussures, des jouets, de la quincaillerie, bref, tout ce qu’il était possible d’imaginer, mais aussi, de nombreuses échoppes d’artisans et une quantité invraisemblable de petites boutiques de luxe présentant le dernier cri en provenance des grands couturiers parisiens.
Les jours de foire et de marché, arpentait le pavé, une bande tonitruante de petits métiers, sonnant, chantant, s’accompagnant à l’orgue de barbarie, à l’accordéon ou au violon devant les terrasses des cafés.
L’animation était quasi permanente. A toute heure du jour, il y avait foule, et évidemment l’endroit était toujours le siège d’encombrements inextricables. La maréchaussée avait le plus grand mal a faire respecter les arrêtés du maire en matière de stationnement, et celui-ci, en dernier recours, menaçait d'interdire l'avenue aux véhicules. Il faut dire qu’on se garait n'importe comment, en double file, sur les trottoirs ; à certaines heures, il était même risqué de s'y engager, si l'on ne voulait pas rester bloqué. Et ça commençait dès le matin avec l'arrivée du véhicule hippomobile des glacières de Paris, qui sans se préoccuper des véhicules qui le suivaient, s'arrêtait devant chaque commerce d'alimentation.
L'établissement le plus important, non par la taille, mais par la renommée, se trouvait être la charcuterie traiteur Devoluy. On l’appelait d’ailleurs par déférence gastronomique, la Grande Maison Devoluy.
Elle occupait tout le rez-de-chaussée d'un immeuble cossu, un des mieux situé sur l'avenue, la totalité du sous-sol, l'appartement du premier qui servait de bureaux, le deuxième et troisième étage occupé par les propriétaires eux-mêmes en usage privatif, ainsi que toutes les chambres de bonnes du dernier étage, en général destinées au personnel supplémentaire, petites mains, recruté dans les fermes avoisinantes auquel on faisait appel, pour les fêtes de fin d'année, pour Pâques, ou pour les grandes occasions, notamment la période des communions, des mariages, mais aussi pour y loger le personnel itinérant comme les compagnons cuisiniers ; également les dépendances alentour situées derrière l’immeuble, ainsi que la cour toujours encombrée par les voitures de livraison. Seuls, au quatrième et au cinquième étage, deux irréductibles locataires résistaient encore à la main mise des Devoluy sur la totalité du bâtiment.
Réputé, par la qualité de ses produits, le magasin ne désemplissait pas. A certains moments, il eut fallu pousser les murs.
On ne voyait jamais monsieur Devoluy. Celui-ci ne sortait pratiquement jamais de son laboratoire et si son visage n'était pas apparu dernièrement sur la gazette éditée par le conseil général, pour un concours, de niveau national, récompensant la meilleure choucroute et immédiatement collée sur la vitrine, personne n'aurait pu dire qui il était.
Ce n'était pas le cas de sa femme. Avec la suffisance qui sied à la fonction, madame Devoluy était comme en représentation. Imposante quant à sa taille, elle trônait au milieu du magasin, juchée sur deux tabourets, oui deux tabourets, il fallait bien ça, faisant office de perchoir, et tout à son aise derrière sa caisse, était visible de tous.
Au coup de feu, comme on dit dans le métier, alors que toutes les vendeuses s'affairaient auprès des clients, elle épiait la petite maladresse, percevait la plus imperceptible lassitude et ne se gênait pas pour lancer les critiques les plus acerbes à l'adresse de la malheureuse prise sur le fait, puis, comme pour rechercher sinon l'approbation tout au moins l'assentiment des clients les plus proches, elle se lançait dans ses lamentations habituelles : "Ah ! Le personnel !... Vous savez, on ne trouve plus de personnel consciencieux… Il faut toujours veiller au grain ! »
Visiblement, la pensée que les clients eussent pu être, eux aussi, des employés, ne l'effleurait pas un seul instant. Certains esquissaient un sourire en réponse et réservaient leur commentaire.
La dizaine de vendeuses tournaient autour d'elle comme les ouvrières d'une ruche virevoltent autour de leur reine pour l'alimenter, les visages fermés à toute émotion, attentives à ne pas, un seul instant, se faire prendre en défaut. On ne répliquait pas à Madame Devoluy. On ne répondait pas non plus. On s'exécutait. Et quand tout était à son goût, le sourire commercial aux lèvres, prête au plus affable des compliments pour un client fidèle, à la limite de la mièvrerie, la patronne jetait un regard circulaire sur son magasin. On devinait alors chez elle une pointe d'autosatisfaction, légèrement teintée d'ironie dédaigneuse. On eut dit qu'elle régnait. Louis XIV, à son époque, ne devait pas être différent.
* * *
Sylvie arriva en novembre, pour le remplacement d'une employée qui partait accoucher.
Exceptionnellement, Madame Devoluy avait répondu favorablement à un office de placement qui dépendait de la chambre syndicale des hôteliers, débitants de boissons, limonadiers, restaurateurs.
C'était la première fois qu'elle répondait par l'affirmative à cet organisme qui la sollicitait depuis des lustres. Elle pensait que si les gens y étaient inscrit, c'était non seulement parce qu'ils ne trouvaient pas de travail, mais parce qu'ils étaient, tous, bons à rien. Pour la première fois donc, elle s'était laissée faire, non parce qu'elle s'était laissée attendrir, mais parce que cet employé avait trouvé les mots. La renommée du traiteur, honoré par la France entière, n'ayant pas échappé à ce dernier, il l'avait flattée en ne tarissant pas d'éloges à l'égard de son mari. Elle accepta de la prendre deux jours, en remplacement précisa-t-elle. Ça lui laissait le temps de se faire une opinion et elle se promit, après avoir raccroché, d'explorer le cadre de ses relations.
La jeune fille reçut un accueil particulièrement froid.
Mme Devoluy, qui tenait généralement à ce que tout passe par elle, avait curieusement délégué la réception de l'intruse à Rolande, la plus âgée des vendeuses, avec la consigne, prétextant que le travail serait plus vite terminé en fin de journée, de lui donner, pendant le service à la clientèle, toutes les corvées habituellement réparties avec équité entre les vendeuses ; ça allait du nettoyage des tables de préparation, des vitrines, des plats de toutes sortes, des couteaux, de tous les ustensiles divers servant au service, avec en plus, sans bien évidemment gêner le service et la clientèle, le passage de la serpillière sur le sol de façon à ce qu’il soit en permanence propre.
Madame Devoluy s'attirait ainsi les bonnes grâces de son personnel féminin à peu de frais. Du haut de ses deux tabourets, elle se contentait d'observer Sylvie du coin de l'œil pour voir si cette dernière ne rechignait pas à l'ouvrage.
La petite s'acquitta très naturellement de la tâche qui lui était assignée, sans sourciller. Rapide dans ses gestes, elle était également adroite de ses mains. Les deux premiers jours passèrent, puis les semaines. La période des fêtes passa sans que quiconque ait le moindre reproche à lui faire. Madame Devoluy se félicitait en s'attribuant le seul mérite d'avoir trouvé la perle rare et lorsque la vendeuse remplacée fut de retour, personne ne fut étonné que Sylvie conservât son poste.
Quand il y avait un coup de feu, on lui demandait de servir. Elle aidait, de bonne grâce, ses collègues, et revenait à sa tâche aussitôt que la pression baissait. Bien sûr, de plus en plus souvent, n'ayant pu exécuter le travail qui lui incombait, elle restait après le départ des autres, mais cela ne paraissait pas la gêner et la patronne fermait les yeux.
Jusqu'alors, Madame Devoluy avait gardé ses distances, mais intriguée par tant d'abnégations, profita, un soir après la fermeture du rideau alors qu'elles se trouvaient seules, pour se rapprocher d'elle. Elle qui, habituellement était tenu au courant de tous les faits et gestes de son personnel, elle s'y intéressait seulement pour en tirer profit, l'interrogea sans ambages sur les relations qu'elle pouvait avoir. Elle la savait célibataire et ne comprenait pas qu'à vingt ans, elle ne fréquenta pas un quelconque jeune homme.
Sylvie répondit, mais resta discrète quant à sa vie privée. Néanmoins, Madame Devoluy apprit que Sylvie louait une chambre de l'autre côté de la ville chez un couple de retraités, et que si le montant de son loyer était peu élevé, la patronne sauta sur l'occasion, il pouvait être carrément nul si elle acceptait de prendre une chambre au dernier étage.
Sylvie accepta.
On lui réserva alors peu de temps après une chambre au dernier étage, et comme rien n'est jamais gratuit, on lui demanda de rendre, en compensation, quelques petits services, en sus de son travail, comme par exemple le nettoyage des bureaux. La petite ne fit pas d’objection.
Ce fut d'abord de temps en temps, puis, la jeune fille n'osant pas refuser, les petits services se transformèrent rapidement en travail effectif et... extensible, tant et si bien que le matin, elle faisait le ménage chez ses patrons, prenait dans la foulée son service au magasin, puis, achevait sa journée en nettoyant les bureaux après le départ des comptables. Une fois la porte de sa chambre fermée, il n'était pas rare qu'après s'être allongée sur le lit, elle s'endormit jusqu'au matin.
* * *
Au bout de deux ans, elle était devenue, on peut le dire sans exagérer, le souffre douleur de tous, une véritable souillon à qui on confiait les travaux les plus sales et tout ce que les autres ne voulaient pas faire. On atteignait le sordide, lorsqu'il lui arrivait de travailler au laboratoire pendant les absences du patron et du maître de cuisine. La sentant sans défense, les apprentis charcutiers en profitaient pour chahuter avec elle. Ils lui tenaient des propos qu'ils accompagnaient de gestes d'une telle obscénité que souvent ça se terminait par des larmes.
Un matin, alors qu'elle était occupée par le ménage chez les patrons, on vit arriver la police au magasin. Une somme de vingt francs avait disparu de la caisse des comptables.
L'enquête rapide et expédiée par des enquêteurs qui ne s'embarrassaient pas de circonspection s'orienta naturellement en direction des quelques personnes habilités à se rendre à la comptabilité. On vérifia les emplois du temps de chacun. On éplucha tout, fit des recoupements et ce qui devait arriver arriva. Sylvie avait non seulement le double des clés, mais était bien évidemment la dernière à avoir quitter les locaux du fait de son travail.
Les soupçons se transformèrent en certitude pendant la fouille de sa chambre. En sa présence, les gendarmes mirent la main sur dix huit francs dissimulés au fond de sa valise.
Ils ne lui donnèrent pas le temps de s'expliquer, lui passèrent les menottes aussitôt et sans plus d'égard, lui firent dévaler les escaliers au risque de trébucher. Ils durent la rattraper plusieurs fois, jusqu'à ce que, par un jeu particulièrement cruel, ils la laissèrent s'affaler sur le palier du premier étage. Les comptables attirés par l'animation étaient sortis pour voir ce qui se passait. Elle dut en se relevant seule, affronter leur regard.
Puis, à grand renfort de claquements de portières, on l'installa sur le siège arrière d’un véhicule noir qui démarra aussitôt. C'était la première fois qu'elle montait en automobile. Elle jeta un dernier regard vers la charcuterie à travers les vitres. Le trottoir était noir de monde.
On quitta l’avenue non sans mal, en se frayant un passage parmi la foule des badauds qui cherchait à voir l’infortunée. Puis l'automobile prenant de la vitesse défilèrent à toute allure des rues qu'elle ne connaissait pas, ce qui lui donna le tournis, avant d'entrer par l'arrière de la gendarmerie.
On l'enferma pendant plus de trois heures dans une des cellules sans se soucier le moins du monde de ses besoins. Elle appela plusieurs fois, jusqu'à pousser des cris, en vain. Avec honte, elle dût s'abandonner dans un coin.
On attendait monsieur le commissaire.
Il arriva dans le courant de l'après-midi, s'assit dans le bureau du chef et demanda qu'on fasse entrer la voleuse.
Elle dut reconnaître la mort dans l’âme, sous le regard inquisiteur des gendarmes présents, qu'elle avait été chassée de chez ses parents à cause de la naissance d'un petit garçon, que celui-ci était gardé par une nourrice qui lui réclamait neuf francs de pension par mois et que l'argent qu'ils avait trouvé était en réalité des économies qui correspondaient au montant des deux derniers mois.
Tout collait. On avait donc affaire à une dépravée ayant besoin d’argent qui n’avait pas hésité à voler pour son enfant. On lui demanda où étaient cachés les deux francs qui manquaient, et les questions devinrent plus pressantes, plus humiliantes.
Le commissaire la prenait pour plus futée qu’elle en avait l’air et ne la croyait pas. Et c'est ce qu’il lui laissa entendre à l’issue de l’interrogatoire, en la menaçant des pires tourments. Elle sortit de l’échange brisée et on la ramena en cellule à la nuit tombée.
L’officier de paix devait, malgré tout, vérifier ses déclarations. Il confia la tâche à un collaborateur sans omettre de lui préciser qu'il avait tout son temps. Il ajouta avec un sourire que de toute façon cette petite expérience apporterait le plus grand bien à cette « boniche » et que dans tous les cas, cela ne lui ferait aucun mal. On n’allait tout de même pas s'embarrasser pour si peu.
* * *
L'affaire fit grand bruit sur l’avenue. Tout le monde était au courant et quelques clients et commerçants voisins venaient s'entretenir avec madame Devoluy, pour l'assurer de leur soutien. Ce qui était certain, c'est que cette petite moins que rien n'allait pas s'en tirer comme ça.
On n'entendait des phrases du genre : « Vous vous rendez compte !... Elle vous a trahie... Quelle honte !... après la confiance que vous lui avez témoignée !»
Confortée par ce renfort spontané, la charcutière, les lèvres pincés, écoutait tous ces gens qui racontaient des histoires, tous en avait une, mettant en cause la probité du personnel de maison, des on-dit qu'on leur avait rapportés, sans se préoccuper de véracité ; des histoires qui accentuaient sa rancoeur.
Madame Devoluy répondait : « Vous avez raison ! Quand je pense que je lui ai fait confiance... ça m'apprendra !... Mais oui, c'est l'agence de placement qui me l'a envoyée... De la racaille, je vous dis de la racaille ... Ah ! On m'y reprendra !... "
* * *
La journée s'écoula ainsi, à écouter les uns et les autres.
Et le soir arriva. Monsieur Devoluy rentrait de Paris, où il s'était rendu pour la remise officielle de prix récompensant les meilleurs ouvriers de France. Une de plus.
Il s'étonna de l'absence de Sylvie. Elle avait pris l'habitude de venir les voir avant de monter se coucher comme ces domestiques qui avant de quitter leur tâche demande à ceux qui les emploient s’ils n’ont plus besoin d'eux. Madame Devoluy jeta, sur un ton péremptoire
- Celle là !... elle dort en prison !
Il sursauta
- Quoi !...
- Oui !... Ce soir, elle dort en prison… Tu m'entends bien... Toi qui la protège tout le temps, qui lui donnerait le bon dieu sans confession... Eh bien ! Figure-toi qu'elle a pris dans la caisse !
- Qu'est-ce que tu racontes ?... Quelle caisse ?
- La caisse de la comptabilité !... Elle a pris les vingt francs en billet de la monnaie du matin... on a retrouvé la somme chez elle !
Monsieur Devoluy resta interdit l'espace d'une seconde. Il lâcha.
- Vingt francs !... Dans la caisse de la compta !... Mais c'est moi qui les ai pris ce matin !... J'étais très en retard !... Je ne voulais pas remonter chez nous ... J'aurais pris le risque de te réveiller !... Bon, je sais !... J'aurais pu t'appeler de Paris !... ... Mais comment tu as pu imaginer un seul instant !... On va réparer ça tout de suite !... Où est-elle ?... Je vais aller la chercher !...
La sonnerie du téléphone retentit.
Madame Devoluy décrocha, attendit qu'on lui passa la communication et resta muette le temps du message et sans même formuler de réponse elle raccrocha doucement. Blême et soudainement soucieuse, elle se tourna vers son mari.
- C'est inutile Pierre Marie !...
- Quoi !... Qu’est-ce qui est inutile ?
- D’aller la chercher !
- Et pourquoi donc ?
- Restons-en là !... Crois-moi... Cette histoire ne peut nous attirer que des ennuis...
Il explosa
- Vas-tu enfin m'expliquer !!!
- ... On vient de la retrouver morte dans sa cellule... Elle s'est pendue...
Monsieur Devoluy était atterré, il n’avait plus de mots pour exprimer ce qu’il ressentait. Le silence s’installa une longue minute avant que la charcutière ne reprit dans un souffle
- ... Je ne comprends pas pourquoi...
* * *
Dans les jours qui suivirent, plus précisément le 21 mai 1927, un quotidien de Seine et Oise, titrait à la une l'exploit d’un américain de vingt cinq ans, premier homme à traverser l’atlantique en avion, dans le sens New York-Paris, une distance de 5805 Km en 33 heures 25 minutes, sans escales, sans radio, et uniquement aux instruments, son nom : Charles Lindbergh. Cet événement augurait une ère nouvelle.
On pouvait lire également en dernière page dans les colonnes réservées aux faits divers, l'histoire d’une malheureuse qui n’avait pas supporté l’opprobre, avec en exergue : « Elle a fauté, Dieu l'a puni... »

 

 

 

Frissons
 

Un vieil homme avec un cabas au bout de chaque main sort d’une épicerie du village en faisant tinter le carillon de la porte d’entrée. Il s’en va, marchant péniblement seul sur le chemin vers son logis. Les rues sont désertes. Il ne rencontre personne.

Il déambule le regard absent, la tête penchée vers le sol afin de s’assurer que rien ne risque d’entraver son déplacement et le faire tomber. Il continue à la même allure, précautionneusement, à petits pas, s’éloignant peu à peu du centre du village, puis on le voit s’engager dans une ruelle mal carrossée. On a dans l’idée qu’il se dirige vers la campagne, mais soudain il oblique sur sa droite pour se diriger vers une dernière demeure isolée au bout d’une allée herbeuse, une masure aux volets rafistolés tant bien que mal avec du fil de fer et quelques pointes.

Le vieillard entre sa clé dans la serrure, la tourne par trois fois et ouvre finalement la porte non sans difficulté.

Il disparait à nos yeux dans un couloir obscur et on l’entend refermer soigneusement la serrure derrière lui, avec la même clé.

On pénètre alors dans une pièce à vivre, mi cuisine, mi salle à manger. Immédiatement, le vieil homme se retrouve entouré de chats qui sortent de toute part, se frottent à lui, l’empêchent presque d’avancer tant ils se mettent dans ses jambes, mais il les traite avec douceur et amour, ne les bouscule pas et les appelle par leurs noms. Il ouvre ses sacs et sort des paquets de croquettes et des boites de conserves, RonRon, Whiskas, Sheba ou autres marques du même genre. Il prépare les gamelles devant lui et dépose de larges cuillerées dans chacune d’elles, puis il dispose ces dernières dans différents endroits de la pièce pour que chacun de ses chats ne soit pas dérangés par ses congénères.

Deux chats ne peuvent se mouvoir. Il leur place également de quoi se sustenter devant eux pour que ceux-ci n’aient pas à se déplacer, les caresse longuement, leur parle comme à des bébés.

Puis on le voit verser ce qui reste d’une boite dans une assiette, et on réalise d’un coup avec pitié qu’il se prépare également pour lui une portion de nourriture pour chat.

Mais, il se lève et ouvre une autre porte derrière laquelle apparait un autre couloir. Il quitte la pièce avec l'assiette à la main et se dirige vers un escalier qui descend à la cave.

Il l’emprunte avec précaution toujours l'assiette à la main et arrive dans un sous-sol mal éclairé.

Il allume une chandelle sur un bougeoir et ouvre une autre porte fermée à clé.

Il passe la porte et continue sa progression, et on se dit qu’il doit y avoir d’autres chats dans ce sous-sol.

Il traverse la pièce pose le bougeoir sur un meuble. La flamme de la bougie vacille à la limite de s’éteindre. Il ouvre une autre porte cadenassée à l’extérieur, reprend l'assiette et le bougeoir et se retrouve dans une autre pièce toute en longueur où la lumière du jour ne pénètre pas. Et là, à sa droite apparaissent éclairées par la flamme de la bougie des portes de cave en bois brut. Il avance jusqu’à la dernière et pose alors l’assiette au sol devant la porte close.

On imagine qu’un chat ou que la tête d’une bête maléfique va sortir dans l’espace entre le bas de la porte et le sol.

Apparaît alors une main blanche, tachée, ridée, décharnée, munie d’une alliance qui attrape l’assiette et la fait disparaitre.

Le vieil homme repasse la porte, emmenant avec lui la lumière et referme derrière lui à clé. 

 

 

 

 

La reconnaissance

 

Pas la reconnaissance qu'on peut éprouver pour qui vous a rendu service, mais la recherche de reconnaissance. Pas ce qu’on éprouve vis-à-vis de quelqu’un, mais l’inverse, ce vers quoi on tend pour être reconnu. Le but qu’on se fixe pour avoir en retour une reconnaissance de quelqu’un, d’un entourage, d’un groupe, d’un milieu. Comme d’un besoin.

La reconnaissance, c’est le contraire de l'indifférence, c’est l'acceptation, l’opposé du mépris. 
C’est ce que tous, nous recherchons pour exister, à commencer par le bébé qui, regardant sa mère, attire son regard quand il tète.

Un enfant s’étiole quand on ne s’occupe pas de lui, quand il ne reçoit pas l’amour dont il a besoin. Il arrive même qu’il se laisse mourir. Et ceux qui ne le reçoivent pas deviennent agressifs.

Aujourd'hui beaucoup se sentent rejetés, ignorés, laissés pour compte, tous ceux qu'on laisse au bord du chemin qui ne demandent pas grand chose sinon qu'on les respecte, au moins qu'on ne les oublie pas !
Et à tous les niveaux, de ceux qui courent à la Star'Ac, à ceux qui n'espèrent que la Légion d'Honneur. De ceux qui espèrent un poste, un titre, une première place, jusqu’à ceux qui vouent leur vie à une hypothétique et éternelle reconnaissance, comme peut être l’engagement dans les religions.

Des gamins des banlieues, qui clament qu'on les respecte, à ceux qui n'ont besoin que d'un sourire quotidien.

La quête de reconnaissance. Un moteur pour la vie.

 

Et il en faut peu. Voyez !…

 

Comment suis-je arrivé, je ne le saurais, mais j’y suis et je suis heureux.

Demain, je vais être présenté ! Une vie à attendre ce moment !

Que me vaut cet honneur, je ne sais, mais qu’importe, seul compte ma présence sur son passage lors de sa promenade, et tout ce que j’espère, c’est qu’il ne change pas d’itinéraire en cours.

Je prie, je supplie,

Un regard de lui, et je me pâmerais.

Un regard de lui, et je ne me sentirais plus d’aise.

Un regard de lui, mon vœu le plus sincère,

Est ma raison de vivre.

Un signe de lui, et j’existerais aux yeux de tous.

Et s’il s’arrêtait, je n’ose y croire. Ce serait trop beau.

Je défaille rien que d’y penser,

Je n’en puis plus, je n’en dors plus.

Et quel autre rêve après ?

Une nuit à Marly ! Non ! Je déraisonne !

Surtout n’allons pas si vite en désir !

D’abord, un regard du roi !

Après…

Importe peu, j’aurais vécu !

 

 

 

Vivre c’est oser, oser c’est entreprendre.
Le dépassement de soi, c’est mettre les forces mentales permettant de surmonter ses propres limites d’origines physiques… handicaps, culturelles… aller vers les autres et surtout vers ceux qui ne pensent pas comme soi, éducationnelle… savoir s’opposer à ce qui parait anormal.
Le dépassement de soi est une compétition dans laquelle le seul adversaire à affronter est soi-même et en premier lieu, ses propres limites. Le succès dans cette compétition n’engendre pas de vaincu et ne se fait pas au détriment d’autrui. Bien au contraire, il contribue souvent à inciter les autres à suivre le même exemple.
Ainsi le dépassement de soi est une valeur qui devrait être enseigné car elle est un vecteur d’amélioration et de progression pour l’individu et pour la société.
Inutile d’être dans des conditions extrêmes, en milieu hostile, en haute montagne ou au cœur des océans comme ce qui nous est rapporté par les médias pour se confronter à ses limites. Les activités quotidiennes et banales sont toutes des occasions idéales. Seulement nous nous fixons souvent des limites de manière arbitraire et sommes tellement convaincus de notre incapacité à aller au-delà que nous n’essayons même pas, pire que nous n’imaginons même pas pouvoir y arriver…
Les expressions "c’est la vie" ou "c’est comme ça" en sont de parfaites illustrations, l’habitude (Ah ! l’habitude qui altère notre faculté de penser) et la conscience collective sont les deux premières explications de nos limites.
Deux exemples : l’habitude du confort.
Habitué à tout avoir sous la main et considérer les avantages d’aujourd’hui comme acquis, envisager leur perte pourrait se révéler angoissant. Et pourtant chacun de nous pourrait vivre sans le confort, nos grands-parents et arrière grands-parents le faisaient bien. Nous reprendrions seulement nos anciennes habitudes.
La conscience collective.
Elle nous dicte que les exploits ne sont réservés qu’à une élite. Gravir un sommet à 6000 mètres, se rendre dans l’arctique, traverser les déserts, vivre dangereusement n’est réservé à une minorité.
Mais c’est seulement parce que cette minorité s’est préparée à tenter l’aventure qu’elle peut s’enorgueillir d’avoir réussi. Mais tout un chacun préparé de la même façon, disposant des mêmes moyens, entrainé et "parrainé" de la même manière pourrait très certainement accomplir ce type d’exploit qui nous étonne tous. Il suffit de se dire que c’est possible.
Dites-vous bien que pour se rendre quelque part, il faut commencer par faire un premier pas et mettre un pied devant l'autre comme dans l’adage « Il n’y a que le premier pas qui coûte ».
Pour se lancer dans une entreprise ou une aventure quelle qu’elle soit il faut commencer par se mettre sur la ligne de départ. Des milliers d’exemples constellent notre vie quotidienne.
Le confort d’une activité salariée consécutive à une enfance où tout a été organisé pour notre bien-être, une scolarité ou toute notre formation a été prise en charge a contraint nombre d’entre nous à ne rien entreprendre par nous-mêmes. Toutes nos vies sont programmées, par des passages, des obligations, des rites institutionnels par lesquelles nous nous obligeons à passer. Des obligations qui nous empêchent d’envisager des solutions autres que celles qui nous sont offertes clés en main.
Comme il est collectivement admis qu’un travail rémunérateur nécessitant de passer 8 heures par jour dans un bureau est nettement plus enviable que d’affronter les vicissitudes de la petite entreprise en tant que patron, seuls quelques individus poussés quelquefois par des aléas impondérables de la vie d’aujourd’hui se risquent à tenter l’aventure.
Quel que soit le résultat de leur entreprise, ils ne regrettent jamais avoir entrepris.

 

 

 

 

 

Un passage du livre « L’amant de lady Chatterley » m’a fait beaucoup réfléchir sur l’idée que peut se faire certains d’entre nous sur les hiérarchies sociales, ou comment s’articulent les pouvoirs dans ce bas monde.

Extrait du Chapitre XIII. A quelques lignes du début :

Discussion pendant une promenade entre Clifford sur une voiture pour handicapé et Constance.
- … Le problème de la propriété est devenue maintenant un problème religieux, la question n’est pas prends ce que tu possèdes et donnes-le aux pauvres, mais sers toi de ce que tu possèdes pour donner du travail aux pauvres, c’est le seul moyen de nourrir toutes les bouches et de vêtir tous les corps. Donnez ce qu’on possède équivaut à la famine pour les pauvres aussi bien que pour nous et la famine universelle n’est un bien pour personne.
- Et l’inégalité ?
- C’est le destin ! Pourquoi Jupiter est une plus grande planète que Neptune ? Vous ne pouvez pas changer la structure des choses !...
- Votre situation implique des responsabilités et c’est lâcheté de ne point vouloir l’assumer. Le destin vous a choisie et vous devez vous y tenir…
S’ensuit une discussion sur le sort des ouvriers, sur leurs libertés, leur éducation quelque médiocre qu’elle puisse être, les conditions sanitaires où ils vivent, leurs livres, leurs musiques, tout est passé en revue et leurs mérites si tant est que les ouvriers en soient pourvus…
- Et qui leur a donné tout ça ? Serait-ce eux-mêmes qui se le sont donné ?
La discussion tourne court Clifford arguant sur le romantisme de son épouse pour justifier ses réactions qualifiées de « maladies à évanouissements et langueur ».
- Ce n’est pas étonnant que les ouvriers vous haïssent. Dit-elle
- Ils ne me haïssent pas et ne vous trompez pas, ce ne sont pas des hommes dans le sens que vous donnez à ce mot. Ce sont des animaux que vous ne comprenez pas et que vous ne pourrez jamais comprendre. Ne prêtez pas vos illusions aux autres. Les masses ont toujours été les mêmes, et le seront toujours. Les esclaves de Néron ne différaient certainement pas de nos mineurs ou des ouvriers de chez Ford… Ce sont des masses, et on ne les change pas. Un individu peut émerger des masses mais ce fait exceptionnel ne change rien. On ne peut pas changer les masses. C’est là un fait important de la science sociale. Panem et circences ! (du pain et des jeux). L’éducation moderne n’est qu’un mauvais succédané du cirque. Ce qui nous perd aujourd’hui, c’est que nous avons fait de larges coupures dans la partie cirque du programme et empoisonné nos masses avec un peu d’éducation… Et ce qu’il nous faut saisir maintenant ce sont les fouets et non les sabres. Les masses ont été gouvernées depuis le commencement des âges et jusqu’à la fin des âges il faudra qu’elles le soient. C’est une plaisanterie hypocrite de dire qu’elles peuvent se gouverner elles-mêmes…
A ce moment précis la discussion s’oriente sur l’incapacité qu’a Clifford à gouverner plus tard son domaine et ses avoirs compte tenu d’un état de santé lui occasionnant une stérilité.
- Et donnez-moi un fils et il saura prendre sa part après moi !
- Mais il ne sera pas votre vrai fils, il n’appartiendrait pas à votre classe dirigeante, ou peut-être pas bégaya-t-elle.
- Je ne me préoccupe pas de ce que peut être le père, pourvu que ce soit un homme normal, doué d’une intelligence normale. Donnez-moi le fils de n’importe quel homme sain normalement intelligent et j’en ferai un Chatterley parfaitement capable de tenir sa place. Ce qui compte ce n’est pas l’homme qui nous a engendré mais la place que le destin nous donne. Placez un enfant quelconque dans les classes dirigeantes et il deviendra pour autant qu’il en sera capable un maitre, placez des enfants de rois ou de ducs dans les masses et ils deviendront de petits plébéiens, des produits de la masse. C’est l’influence irrésistible du milieu… Tout le reste n'est qu’illusion romantique... Ce qui compte c’est la fonction pour laquelle vous êtes élevé, à laquelle vous êtes adapté, ce ne sont pas les individus qui forme les classes sociales, c’est la fonction à laquelle vous êtes appelé que vous soyez aristocrate ou élément de la masse… Nous avons tous besoin de nous remplir le ventre, mais dès qu’il s’agit du fonctionnement expressif ou exécutif il y a un gouffre entre les classes dirigeantes et les classes servantes. Les deux fonctions sont opposées et c’est la fonction qui détermine l’individu…

Je vous laisse à vos réflexions
….

 

 

 

Nous connaissons tous le Principe de Peter qui est, je vous le rappelle :
"Tout employé tend à s'élever jusqu’à son niveau d'incompétence"
Mais connaissez-vous le Principe de Dilbert qui est en quelque sorte une variante ? ...
Ce principe précise que les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts, c’est-à-dire hors de la production et du travail effectif.
Les employés incompétents sont rapidement promus à des postes ne requérant pas de compétence particulière, autrement dit à des postes de direction et les employés les plus compétents restent à leur poste car irremplaçables par définition.
Si un poste de direction se libère, il sera plus avantageux pour un patron de promouvoir un employé quelconque plutôt qu’un employé compétent.
En effet, s’il donne le poste de directeur vacant à quelqu’un de compétent, non seulement il n’est pas certain que ce dernier soit compétent à ce nouveau poste mais il lui faudra également trouver quelqu’un de compétent pour remplacer la personne nouvellement promue.
Il est donc plus rentable pour un patron que les gens compétents dans un travail n’en changent pas et que les incompétents soient promus !

 

Et que peut bien vouloir dire l’expression "Plafond de verre" :
Cette expression définie la limite imposée dans une structure hiérarchique à certaines catégories de personnes, les niveaux supérieurs ne leur étant pas accessibles.
En premier lieu les femmes, mais aussi toutes les autres personnes issues de la diversité, race, religion, origine sociale ou encore handicap et ce quel que soit le handicap. (L’exemple le plus frappant étant donné récemment par les magasins... Abercrombie & Fitch définissant la beauté comme critère d’embauche pour ses vendeurs)
Dans une entreprise, le plafond de verre peut prendre des formes diverses : notamment le diplôme d'origine (grandes écoles contre université, telle grande école réputée contre d'autres grandes écoles), appartenance à un cercle, à une obédience ou loge, ou encore à un parti politique.
Le plafond de verre peut être très localisé : corporatisme, cercle d'amis, région, vallée, famille, etc…

 

Et il existe encore d'autres formes de limites plus insidieuses.
Celles qu'on s'impose à soi-même... Mais celles-là nous regardent en propre et sont plus difficiles à cerner. Vincent de Gauléjac les dénomment "Les névroses de classe".

 

 

 

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